Le premier sondage à Wittelsheim fut un succès. Dans un premier temps, Vogt et ses associés essayèrent de ne pas divulguer cette découverte car ils savaient que la puissante industrie de la potasse allemande, inventeur de la potasse et leader mondial aurait un regard intéressé tourné vers l’Alsace.
Pour confirmer cette première découverte, Vogt et ses sociétaires financèrent encore trois autres sondages à des points très différents et à plusieurs centaines de mètres du premier sondage. A chaque sondage le trépan recoupa les deux couches de potasse. On était bien en présence d’un bassin salifère contenant des couches de potasse. Il restait à délimiter l’importance de ce bassin.
Vogt présenta à ses amis une facture de 400.000 Marks. Ils décidèrent d’arrêter l’autofinancement et de chercher l’appui financier auprès des banques locales pour développer une industrie minière de la potasse. Pour trouver les capitaux nécessaires nos membres du consortium se tournèrent d’abord vers les banques alsaciennes lesquelles possédaient quelques établissements puissants à l’instar de la SOGENAL.
Malheureusement, l’équipe essuya partout des refus. Ces banques n’avaient pas l’habitude de financer des projets miniers d’autant plus que l’expertise du bassin n’était pas encore réalisée. Le projet de développer une industrie minière en Alsace resta sujet à caution car il n’y avait aucune garantie formelle de réussite. Les quatre sondages effectués par la Société de forage « Bonne Espérance » étaient insuffisants pour donner une évaluation sérieuse avec une valeur intrinsèque réelle du gisement. Elles savaient aussi que la potasse était un monopole allemand. On peut aussi supposer que les Allemands, leader de la potasse, qui maintenant connaissaient la découverte, recommandèrent aux banques locales de ne pas soutenir les découvreurs alsaciens.
Les Allemands vont financer
Vogt, très francophile, se tourna alors vers certains milieux parisiens et essaya d’intéresser les banquiers de la capitale. Mais les conditions exigées par celles-ci étaient tellement exorbitantes qu’il abandonna toutes investigations à Paris. Apparemment, les banques françaises n’avaient nullement envie d’investir dans le Reischland « Elssass Lothringen ».
Devant tous ces refus, les inventeurs du gisement alsacien s’orientèrent vers l’Allemagne. Là, les spécialistes de la potasse très bien informés par cette découverte acceptèrent rapidement un premier contact. Le rendez- vous fut fixé les 28 et 29 décembre 1904 à Stuttgart. Les représentants alsaciens étaient Melle Zurcher, Joseph Vogt et J.B. Grisez. Du côté allemand il y avait des représentants des Mines menés par M. Théodor Lichtenberger, directeur des mines de Heilbronn, ainsi que des représentants de banques allemandes.
Trois banques avanceront l’argent
Les négociations durèrent plusieurs semaines. Les Allemands étaient intéressés à condition de détenir une majorité de Kuxes (actions minières de l’époque). Finalement les représentants alsaciens cèdent devant le lobby allemand. Trois banques avanceraient de l’argent. Il s’agit de deux banques wurtembergeoises et de la « Deutsche Bank von Berlin».
Une société minière sera créée. Elle émettra 1000 kuxes d’une valeur nominale de 5000 Marks. Les représentants alsaciens devront céder au minimum 525 Kuxes aux Allemands soit 52,5 de la capitalisation. Pour démarrer une industrie minière de la potasse en Alsace les négociateurs franco-alsaciens n’eurent plus d’autre alternative que de se soumettre aux exigences allemandes ; Ceux rétrocédèrent effectivement 475 Kuxes répartis de la façon suivante :
- Groupe Vogt 187 Kuxes
- Groupe Grisez 94 kuxes
- Groupe Zurcher 90 kuxes
- Divers disséminés : 104 kuxes
Le 13 juin 1906, à la suite de ces accords, fut créée la société minière Amélie ou en allemand « Gewerkschaft Amélie ». Les Allemands très « fair play » accordèrent le nom d’Amélie à cette société minière en hommage à Amélie Zurcher, seule femme de l’équipe des prospecteurs.
Le siège provisoire fut fixé à Niederbruck à côté de la société de forage « Bonne Espérance ». Son premier directeur fut Joseph Vogt. Les banques accordèrent immédiatement un prêt de 6 millions de marks à la nouvelle « Gewerkschaft Amélie ». La première tâche était de continuer la campagne de forage pour bien examiner et déterminer les spécificités du bassin alsacien et évaluer sa valeur réelle.
Joseph Vogt, industriel polyvalent mais surtout « homme d’affaire», en fut le grand bénéficiaire puisqu’on lui accorda 160 nouveaux forages que sa société « Bonne Espérance » effectua entre 1906 et 1909.
Au début de l’année 1907, le conseil d’administration de la société «Amélie» décida le fonçage du premier puits d’extraction du gisement comprenant provisoirement 10 concessions numérotées de I à X.
L’extraction de la potasse commença en février 1910.
Le CA de la nouvelle «Gewerkschaft» était composé de 7 membres dont 4 allemands et 3 franco-alsaciens, Grisez, Henri Koch et Michel Diemer-Heilmann, conseiller juridique auprès de Joseph Vogt. Ces personnes désignèrent un comité de direction des travaux (Grubenvorstand) composé de deux spécialistes de mines allemands mais également de Joseph Vogt et de son fils Fernand. Le puits fut terminé en septembre 1909 et l’extraction de la potasse commença en février 1910.
En surface, la mine Amélie fut aussi équipée d’une installation complète de traitement du minerai brut lequel contenait environ 25% de chlorure de potassium. Il y avait un moulin de broyage, des hangars de stockage de sel brut et de sel traité ainsi qu’une fabrique de raffinage du minerai dotée d’un procédé dit par « dissolution ». Une voie ferrée reliait la mine à la gare de Richwiller, distante d’environ 1,5 km, pour se raccorder à la ligne de chemin de fer de Mulhouse à Strasbourg.