Henri, j’espère que de là où tu es, tu pourras lire ces quelques
mots que tes copains du Groupe Rodolphe te dédient, le cœur déchiré.
Cet ultime combat tu l’as malheureusement perdu, vaincu par un
adversaire invisible et plus fort que toi.
Pour nous, mineurs de Marie-Louise, tu resteras ancré dans nos
mémoires comme le Délégué Mineur de Marie-Louise qui a œuvré pendant 26 ans au service de la sécurité, du bien-être des mineurs et de leurs familles. La sécurité au fond de la mine était ta
préoccupation essentielle et les dysfonctionnements techniques et humains n’avaient pas de place. Nous nous souvenons tous de tes multiples combats syndicaux pour faire avancer nos
revendications, mais également de tes interventions sur le banc de vestiaire au cours desquelles tes discours semblaient remonter des entrailles de la terre, ils étaient tellement convaincants
que l’adhésion des mineurs était totale. Qui ne se rappelle pas de tes vœux de Noël, dans l’un de ceux-ci tu écrivais, à propos des mineurs et leur travail.
« Oui après le pont de la Thur, le mineur arrive à
Marie-Louise. Il s’engouffre dans le vestiaire, la “salle des pendus”, là dans cet endroit surchauffé, imprégné d’odeurs de sueurs mélangées à l’odeur e sel, il va troquer son identité d’homme
contre une identité numérotée, un bleu de travail sale, un casque qui serre sa tête pour mieux l’isoler, un jeton, un matricule et le voilà devenu un numéro qui va automatiser tous ses gestes,
prendre sa lampe numérotée et monter vers le puits qui quelques instants plus tard va l’engloutir comme dans ses rêves d’enfants lorsqu’il tombait dans un gouffre sans
fin.
En marchant vers le puits Marie, le mineur sent déjà l’odeur
du sel qui remonte des entrailles de la terre, mais cela ne l’arrête pas, car il en a l’habitude. Et puis, il sait le mineur, qu’il n’est pas au bout de ses peines, l’ouvrage l’attend, la terre
avec ses pièges, le terrain incertain qui va s’efforcer de contrer le mineur. Ça sera la lutte de l’homme, l’homme contre la nature qu’il va falloir vaincre pour gagner, pour extraire le minerai,
pour gagner sa vie aussi.
À Marie-Louise la cage l’attend, ils seront 28 hommes qui en
2 minutes 30 secondes seront emmenés à 750 m sous terre et ce voyage rapide se terminera par un départ vers l’inconnu. Ici plus de soleil, plus de fenêtres, la lumière artificielle seule éclaire
ces hommes qui vont enrichir les MDPA et la France par leur labeur.
Au fond du puits seulement, l’aventure commence, déjà c’est
la nuit, c’est la chaleur, c’est la poussière. Ceux qui n’ont jamais vu la mine ne peuvent pas comprendre. Être mineur c’est extraordinaire, c’est une aventure. Le mineur aime la mine comme une
maîtresse exigeante, mais dont il ne peut se passer.
Oui en même temps qu’il la craint, il
l’aime et ne peut s’en passer, il la domine, mais parfois elle se venge et c’est l’accident.».
Cet extrait illustre bien l’humanisme et la passion que tu avais
pour les mineurs qui ont fait la richesse de notre région pendant plus d’un siècle.
Les mots du groupe « Téléphone » — j’ai rêvé d’un autre
monde — que tu avais utilisés dans une chronique, trottait dans ta tête en boucle en réalité tu rêvais d’un monde plus humain, plus juste et plus fraternel, un monde dont l’existence de l’homme
et son devenir serait au centre de toutes les préoccupations.
Henri, merci pour tout, les mineurs te garderont dans leur cœur
pour toujours.
« Seilfahrt
auf ». Retour vers la lumière.
Un mineur qui t’a côtoyé pendant 20
ans